vendredi 12 juin 2015

Saint Alphonse de Liguori - Le Sacré-Coeur



Cœur aimable de Jésus

Celui qui se révèle aimable en tous points se fait nécessairement aimer. Ah Î si nous nous appliquions à étudier les innombrables charmes de Jésus, l'aimer deviendrait, pour nous tous, une heureuse nécessité.

Parmi tous les cœurs, nous en chercherions en vain un seul qui soit plus aimable que celui de Jésus.

Cœur entièrement pur; cœur parfaitement saint; cœur si rempli d'amour pour Dieu et pour nous, que ses désirs ne tendent qu'à la gloire de Dieu et à notre bonheur.

C'est le cœur où Dieu trouve toutes ses délices, toutes ses complaisances.

Dans ce cœur, se donnent rendez-vous perfections et vertus : un très ardent amour pour Dieu son Père, avec la plus grande humilité, le respect le plus profond qui se puissent rencontrer; une souveraine confusion causée par nos péchés, dont il a pris la charge, unie à la plus absolue confiance du plus tendre des fils; une extrême horreur pour nos fautes et une vive compassion pour nos misères; l'excès de la souffrance, dans la plus totale conformité à la volonté divine. Ainsi est renfermé en Jésus tout ce qui se peut trouver d'aimable.

Pour certains, ce qui provoque leur affection, c'est la beauté; pour d'autres, c'est ou l'innocence, ou la familiarité des relations, ou encore la piété. Mais que ces charmes, et bien d'autres, soient réunis dans la même personne, qui pourra ne la point aimer ? Si on nous parle d'un prince beau, humble, courtois, pieux, plein de charité, affable avec tous, rendant le bien pour le mal; fût-il d'un pays étranger et lointain, sans le connaître, sans être connus de lui, sans aucun lien entre lui et nous, notre cœur est ravi et contraint de l'aimer. Or, Jésus-Christ, ne les possède-t-il pas, toutes ces vertus, et toutes au suprême degré ? En outre, il nous aime avec une indicible tendresse. Comment se fait-il donc qu'il trouve si peu d'affection parmi les hommes, qu'il ne soit pas l'unique objet de notre amour ? Lui l'amabilité incomparable, lui si prodigue envers nous des preuves de son amour, lui seul, oserai-je dire, est assez malheureux avec nous pour ne pas arriver à gagner notre cœur, comme s'il n'était pas assez digne de notre amour.

Voilà ce qui arrachait des larmes aux Rose de Lima, aux Catherine de Gênes, aux Thérèse, aux Marie-Madeleine de Pazzi.

Devant ce spectacle de l'ingratitude des hommes, elles s'écriaient en pleurant : l'Amour n'est pas aimé!

Cœur aimant de Jésus

Oh ! si nous comprenions l'amour dont brûle pour nous le Cœur de Jésus ! Il nous a aimés à ce point que, si les hommes, les anges, les saints unissaient toutes leurs forces pour aimer, ils n'arriveraient pas à la millième partie de l'amour que nous porte Jésus.

Il nous aime immensément plus que nous ne pouvons nous aimer nous-mêmes.

Il nous a aimés jusqu'à l'excès, selon le mot de l'Evangile dans le récit de l'apparition du Thabor : Ils disaient que c'était une folie, ce qu'il allait accomplir à Jérusalem (Luc 9, 31.) Quel excès, en vérité, que celui-ci : un Dieu mourant pour ses créatures.

Il nous a aimés, dit saint Jean, jusqu'à la fin (Jean 13, 1), c'est-à-dire jusqu'à l'extrême. Il nous aimait depuis une éternité, de telle sorte qu'il n'y a pas un seul instant, durant l'éternité, où il n'ait pensé à nous et n'ait aimé chacun de nous en particulier : Je t'ai aimé d'un amour éternel. Mais ensuite, pour notre amour, il s'est fait homme; pour nous, il a choisi une vie de souffrances et la mort de la croix. Il nous a donc aimés plus que son honneur, plus que son repos, plus que sa vie, puisqu'il a tout sacrifié pour nous témoigner son amour. N'est-ce pas là, je le demande, un excès qui, éternellement, jettera dans la stupeur les anges et tout le paradis ?

Son amour l'a conduit plus loin encore : il le retient dans le très saint Sacrement comme sur un trône d'amour. Là nous le voyons sous les apparences d'un peu de pain, enfermé dans un ciboire, ne révélant rien de Sa Majesté qui paraît totalement anéantie; il est sans mouvement, privé de l'usage des sens; on dirait qu'il n'exerce plus d'autre fonction que d'aimer les hommes.

L'amour aspire à la continuelle présence de la personne aimée : voilà l'amour, voilà le désir qui fixe Jésus-Christ près de nous dans le très saint Sacrement. Trente-trois ans passés sur la terre au milieu des hommes, c'était trop peu pour sa tendresse : pour nous manifester son désir de demeurer toujours avec nous, il juge bon d'opérer le plus grand de ses miracles, qui fut l'institution de la sainte Eucharistie. Cependant, l'œuvre de la Rédemption était accomplie, les hommes étaient réconciliés avec Dieu : quelle nécessité y avait-il pour Jésus de rester sur la terre dans son Sacrement ? Il y reste, parce qu'il ne peut pas se séparer de nous et qu'il déclare trouver parmi nous ses délices.

Son amour ne s'arrête pas là. Voici ce Dieu qui devient notre nourriture, pour s'unir à nous, pour faire, de nos cœurs et du sien, une même chose. Celui qui mange ma chair demeure en moi, et moi en lui. (Jean 6, 57). O prodige ! ô excès de l'amour divin !

Si quelque chose, disait un serviteur de Dieu, pouvait ébranler ma foi au mystère de l'Eucharistie, ce ne serait pas la question de savoir comment le pain se transforme en chair, comment Jésus-Christ se trouve en plusieurs endroits, comment il est enfermé tout entier en un si petit espace. A cela je réponds : Dieu peut tout. Mais si l'on me demande comment un Dieu peut aimer l'homme jusqu'à se faire sa nourriture, je n'ai plus que cette réponse : C'est là une vérité de foi qui dépasse mon intelligence; l'amour de Jésus-Christ ne se peut comprendre.

O amour de Jésus, faites-vous connaître aux hommes, faites-vous aimer !

Cœur de Jésus tout désireux d'être aimé

Nous ne sommes pas nécessaires à Jésus-Christ : avec ou sans notre amour, il est immuablement heureux, immuablement riche et puissant. Et cependant, dit saint Thomas, Jésus-Christ, parce qu'il nous aime, a un aussi vif désir de notre amour que si l'homme était son Dieu et que son propre bonheur dépendit du nôtre.

Le saint homme Job en était dans la stupeur : Qu'est-ce que l'homme, disait-il, pour que vous en fassiez tant d'estime, et que vous fixiez sur lui votre attention. (Job. 7, 17). Eh quoi ! un Dieu désirer et solliciter avec de telles instances l'amour d'un vermisseau !

Ce serait déjà grande faveur si seulement Dieu nous avait permis de l'aimer. Qu'un humble sujet dise à son roi : Seigneur, je vous aime, — il passera pour téméraire. Mais qu'un roi dise à son serviteur : Je veux que tu m'aimes, quel étonnement I Les potentats de la terre ne s'abaissent pas ainsi. Or Jésus, le Roi du ciel, que fait-il ? Il réclame avec empressement notre amour : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur. Il demande notre cœur avec insistance : Mon fils, donne-moi ton cœur. (Prov. 23, 26.) Et si une âme le repousse, il ne s'en va pas ; il se tient dehors, à la porte du cœur, il appelle, il frappe pour entrer : Je me tiens à la porte et je frappe. (Apoc. 3, 20.) Il prie cette âme de lui ouvrir, lui donnant les appellations les plus tendres : Ouvre-moi, ma sœur, mon épouse. (Cant. 5, 20.) En un mot, il trouve ses délices à se voir aimé de nous, et c'est pour lui une joie profonde quand une âme lui dit et fréquemment lui répète : Mon Dieu, mon Dieu, je vous aime.

Tout cela est un effet du grand amour qu'il nous porte. Qui aime, désire nécessairement être aimé. Le cœur sollicite le cœur, l'amour demande l'amour. « Le dessein de Dieu, en aimant, c'est d'être aimé », dit saint Bernard. Et Dieu lui-même l'avait déclaré le premier : Qu'est-ce que le Seigneur ton Dieu demande de toi, sinon que tu lui obéisses et que tu l'aimes. (Deut. 10, 12.)

Et Jésus-Christ, que nous apprend-il ? Qu'il est le bon Pasteur : retrouvant la brebis égarée, il invite tous ses amis à partager sa joie.

Il nous apprend encore qu'il est le Père du prodigue : quand son enfant revient se jeter à ses pieds, non seulement il lui par donne, mais il l'embrasse avec tendresse. (Luc 15.)

Il nous apprend que celui qui ne l'aime pas reste dans la mort (I Jean 3, 14) et sous le coup de la condamnation. Celui qui l'aime, au contraire, Jésus le garde avec lui et se donne à lui : Qui demeure en la charité demeure en Dieu et Dieu en lui. (I Jean 4, 16.)

Ces demandes, ces instances, ces menaces, ces promesses, ne nous décideront-elles pas à aimer un Dieu qui désire à ce point être aimé de nous ?

Cœur meurtri de Jésus

Il est impossible de considérer combien le Cœur de Jésus souffrit ici-bas pour notre amour, sans en être ému de compassion. Lui-même nous fit entendre que l'accablante tristesse de son cœur alla jusqu'à ce Point qu'elle aurait suffi, à elle seule, à lui enlever la vie, à le faire mourir de pure douleur, si la puissance de sa divinité n’avait, arrêté la mort par un miracle : Mon âme est triste jusqu'à la mort. (Marc 14, 34.)

La plus grande douleur, l'affliction la plus cruelle du Cœur de Jésus, ce ne fut point, la vue des tourments et des opprobres que les hommes lui préparaient, mais le spectacle de leur ingratitude envers son immense amour.

Distinctement, il prévit chacun des péchés que nous commettrions, malgré toutes ses souffrances, malgré sa mort amère et ignominieuse.

Il prévit en particulier les outrages que recevrait des hommes son adorable Cœur, dans le très saint Sacrement, où il nous le laissait en témoignage de sa tendresse. Et, grand Dieu ! quels traitements odieux n'a pas subis Jésus-Christ dans ce Sacrement d'amour ! Il a été foulé aux pieds, on l'a jeté dans les cloaques, on s'en est servi pour en faire hommage au démon !

Et dire que la vue de ces procédés insultants n'a pas empêché Jésus de nous livrer ce gage suprême de son amour ! Certes, il a une souveraine horreur du péché ; mais son amour envers nous semble lui avoir fait oublier cette haine du péché : en effet, il consent à permettre tant de sacrilèges, plutôt que de priver de cette nourriture divine les âmes qui le chérissent.

Nous en faudra-t-il davantage pour' nous réduire à aimer un cœur qui nous a tant aimés ? En vérité, Jésus-Christ n'a-01 pas assez fait pour mériter notre amour ? Irons-nous encore nous joindre à la multitude infinie des ingrats qui abandonnent Jésus seul sur son autel ? Ah ! plutôt, unissons-nous au petit groupe des âmes ferventes qui savent reconnaître Dieu ; aspirons 14 nous consumer d'amour, plus encore qu ne se consument les cierges allumés devant le tabernacle. Là, nous trouvons le Cœur de Jésus et il y brûle d'amour pour nous : et nous, en sa présence, nous ne brûlerions pas d'amour pour lui ?

 Cœur compatissant de Jésus

Où pourrons-nous jamais trouver un cœur plus rempli de pitié et de tendresse, un cœur qui se soit montré plus compatissant pour nos misères que le Cœur de Jésus ?

Cette tendre pitié l'attira du ciel sur la terre. C'est elle qui fit de lui, comme il le proclame, le bon Pasteur, venant donner sa vie pour sauver ses brebis. Afin de nous obtenir notre pardon, à nous pécheurs, il ne s'épargne pas lui-même ; il veut s'immoler sur la croix, se substituant à nous pour le châtiment que nous avons mérité.

Cette même pitié, cette même compassion lui fait redire, encore maintenant : « Pourquoi voulez-vous périr, maison d'Israël ?... Revenez à moi, et vivez. » (Ezéch. 18, 31¬32.) 0 pauvre humanité, ô mes enfants, nous dit-il, pourquoi me fuir et courir ainsi à votre perte ? Ne le voyez-vous pas : vous séparer de moi, c'est marcher à la mort éternelle ? Ce n'est pas moi, certes, qui veux votre perdition. Rassurez-vous, dès lors que vous voulez revenir à moi : revenez et vous recouvrerez la vie.

Cette pitié, elle éclate encore dans le tableau que Jésus nous fait de sa tendresse paternelle. Père, il s'est vu méprisé par son enfant : chassera-t-il ce prodigue, quand le repentir le ramènera vers lui ? Il ne le peut ; tout au contraire, il le presse avec effusion sur sa poitrine, et il oublie toutes les injures qu'il en a reçues : De toutes ses iniquités je ne me souviendrai plus. (Ezéch. 18, 22.) Cela se rencontre-t-il parmi les hommes ? Même lorsqu'ils pardonnent, ils gardent la mémoire de l'offense subie et ils se sentent portés à en tirer vengeance ; et si la crainte de Dieu les empêche de se venger, tout au moins ils éprouvent une grande répugnance à vivre eu bonne amitié avec les personnes qui les ont maltraités. Vous, ô mon Jésus, vous pardonnez aux pécheurs repentants et vous ne refusez pas de vous donner à eux tout entier : dès la vie de la terre, dans la sainte communion ; dans là vie du ciel, par le moyen de la gloire ; une âme qui vous a offensé, vous ne gardez pas la moindre répugnance à la tenir embrassée pour toute l'éternité. Vraiment, où trouver un cœur aimable et compatissant à l'égal du vôtre, ô mon Rédempteur bien-aimé ?

Cœur libéral de Jésus

C'est le propre d'un bon cœur de désirer satisfaire tout le monde, et particulièrement les plus indigents et les plus malheureux. Or, est-il au monde un bon cœur qui soit comparable à Jésus-Christ ?

Parce qu'il est la bonté infinie, immense est son désir de nous communiquer ses biens : Avec moi sont les richesses.., pour enrichir ceux qui m'aiment. (Prov. 8, 18-21.)

Il s'est fait pauvre, dit saint Paul. Mais à quelle fin ? Pour que son indigence devint notre opulence. (II Cor. 8, 9.)

Il a voulu rester près de nous dans le saint Sacrement. Mais dans quel but ? Il s'y tient les mains pleines de grâces, ainsi qu'il se fit voir au P. Balthazar Alvarez, afin de les dispenser à qui vient lui rendre visite.

Ce même dessein éclate dans le don qu'il nous fait de lui-même en la sainte communion, nous marquant par là qu'il ne saura nous refuser ses largesses, après s'être donné sans réserve. Comment, avec lui-même, ne nous aurait-il pas tout donné ? (Rom. 8, 32.)

Ainsi, dans le Cœur de Jésus, nous trouvons tout bien, toute grâce que nous pouvons désirer : Dans le Christ, vous avez été comblés de toutes les richesses... de sorte qu'il ne puisse rien vous manquer en aucun don de grâce. (I Cor. 1, 7.)

Comprenons-le bien, c'est au Cœur de Jésus que nous sommes redevables de toutes les grâces reçues : rédemption, vocation à la foi, lumières, pardon de nos péchés, assistance pour résister aux tentations ou pour supporter les épreuves. En effet, privés de son secours, nous n'étions capables d'aucun bien : Sans moi, vous ne pouvez rien faire. (Jean 15, 5.)

Et si, par le passé, nous dit Notre-Seigneur, vous n'avez pas reçu des grâces plus nombreuses, ne vous plaignez pas de moi, mais de vous-mêmes, qui avez négligé de me les demander : Jusqu'à présent vous n'avez rien demandé... Demandez et vous recevrez. (Jean 16, 24.)

Oh ! comme il est riche, le Cœur de Jésus, et comme il est libéral envers quiconque recourt à lui ! Il enrichit tous ceux qui l'invoquent. (Rom. 10, 12.)

Oh ! les largesses miséricordieuses qu'attirent sur elles les âmes attentives à demander assistance à Jésus-Christ ; David s'écriait : Vous êtes bon, Seigneur, et clément, et plein de miséricorde pour tous ceux qui vous implorent. (Ps. 85, 5.)

Allons donc toujours à ce Cœur, demandons avec confiance, et nous obtiendrons tout.

Cœur reconnaissant de Jésus

Le Cœur de Jésus est reconnaissant à l'extrême. La moindre bonne action accomplie pour son amour, la moindre parole prononcée pour sa gloire, la simple pensée de lui plaire : à rien de tout cela il ne sait refuser la récompense méritée par chacun.

En outre, il pousse la reconnaissance jusqu'à rendre toujours cent pour un : Vous recevrez le centuple. (Matth. 19, 29.)

Les hommes, quand ils sont reconnaissants et qu'ils rendent un bienfait reçu, ne le font qu'une fois : ils se déchargent ainsi de cette obligation, comme ils disent, et puis ils n'y pensent plus. Ce n'est pas ainsi que Jésus-Christ en agit avec nous : tout bon acte accompli en vue de lui plaire nous vaut de sa part, non seulement le centuple en cette vie, mais, dans l'autre, une récompense renouvelée à l'infini, à chaque instant, durant toute l'éternité.

Qui sera donc assez insouciant pour ne pas contenter, de tout son pouvoir, un cœur aussi reconnaissant ?

Hélas ! grand Dieu ! quel soin prennent les hommes de satisfaire Jésus-Christ ? Di-sons mieux : comment pouvons-nous être aussi ingrats envers notre Sauveur ? S'il n'avait répandu qu'une seule goutte de sang, une seule larme pour notre salut, nous lui serions infiniment redevables : cette goutte de sang, cette larme auraient eu, en effet, une valeur infinie auprès de Dieu pour nous obtenir toute grâce. Mais Jésus a voulu nous consacrer tous les instants de sa vie ; il nous a donné tous ses mérites, toutes ses souffrances et humiliations. Or, nous sommes reconnaissants même aux animaux : qu'un petit chien nous donne quelque signe d'affection, notre cœur n'y sait pas résister. Comment donc expliquer notre lamentable ingratitude à l'égard de Dieu ? Les bienfaits de ce Dieu changent-ils de nature et deviennent-ils des mauvais traitements ? On le dirait, en voyant les hommes y répondre, non par la reconnaissance et l'amour, mais par les offenses et les outrages. Eclairez, Seigneur, ces ingrats : faites-leur connaître l'amour que vous leur portez.

Cœur de Jésus méprisé

La peine la plus sensible à un cœur aimant, c'est de voir son amour méprisé. Et cette peine s'avive encore lorsque l'amour a donné de lui-même des preuves éclatantes, et que, d'autre part, l'ingratitude est plus grande.

Si chaque créature humaine renonçait aux biens d'ici-bas, se retirait dans un désert, y vivant d'herbes sauvages, dormant sur la terre nue, se livrant aux plus terribles pénitences, et que, enfin, elle endurât le martyre pour Jésus-Christ : quelle proportion y aurait-il entre ce sacrifice et les souffrances, l'effusion du sang, l'immolation de lui-même acceptées par l'auguste Fils de Dieu pour son amour ?

Si nous pouvions, à chaque instant, subir une nouvelle mort, par là encore, assurément, nous n'arriverions pas à payer, même en minime partie, l'amour que Jésus-Christ nous a témoigné en se donnant à nous dans la sainte Eucharistie. Un Dieu se cacher sous l'apparence d'un peu de pain et se faire l'aliment de sa créature !

Mais, ô ciel ! quelle est la récompense, quelle est la reconnaissance que les hommes donnent à Jésus-Christ ? Ce qu'il en reçoit ? Des outrages, le mépris de ses lois et de ses maximes, des injures telles qu'ils ne les feraient point subir à un ennemi, à un esclave, au plus vil manant de la terre.

Et nous pouvons, nous, penser à tous ces mauvais traitements qui ont été et qui sont chaque jour infligés à Jésus-Christ, et ne pas en éprouver de peine ?

Et nous ne nous emploierons point à reconnaître, par notre amour, l'amour immense de son Cœur divin, de ce Cœur qui est présent dans l'Eucharistie, toujours brûlant de la même flamme d'amour pour nous, consumé du désir de nous communiquer ses biens et de se donner à nous tout entier, prêt à s'ouvrir pour nous recevoir dès lors que nous allons à lui ? Celui qui vient à moi, dit-il, je ne le jetterai point dehors. (Jean 6, 37.)

Nos oreilles se sont accoutumées à ces mots : création, incarnation, rédemption ; à entendre parler de Jésus né dans une étable, de Jésus mort en croix. Grand Dieu ! si nous savions devoir un de ces bienfaits à quelqu'un de nos semblables, nous ne pourrions moins faire que de l'aimer. Dieu seul, semble-t-il, est assez malheureux avec les hommes, si l'on peut ainsi parler, pour avoir tout tenté afin de gagner leurs cœurs, sans y parvenir : au lieu d'amour, il recueille mépris et dédain. Cela vient de l'oubli, où vivent les hommes, de l'amour de ce Dieu.

Cœur fidèle de Jésus

Oh ! comme l'aimable Cœur de Jésus est fidèle aux âmes qu'il appelle à son saint amour ! Celui qui vous a appelés est fidèle, et il réalisera lui-même ses desseins sur vous. (I Thess. 5, 24.)

La fidélité de Dieu fait naître en nous la confiance de tout obtenir, alors que nous ne méritons rien.

Ce Dieu, l'avons-nous chassé de notre cœur ? ouvrons-lui la porte, et aussitôt il entrera, car il en a fait la promesse : Si quelqu'un m'ouvre sa porte, j'entrerai chez lui, et je m'assiérai à sa table. (Apoc. 3, 20.)

Nous désirons des grâces ? demandons-les au nom de Jésus-Christ ; il nous garantit que nous les obtiendrons : Tout ce que vous demanderez à mon Père en mon nom, il vous le donnera. (Jean 16, 23.)

Si nous sommes tentés, confions-nous dans les mérites de notre Sauveur ; il mettra un frein à la fureur de nos ennemis : Dieu est fidèle, et il ne permettra pas que vous soyez tentés au-delà de vos forces. (I Cor. 10, 13.)

Oh ! comme il fait bon traiter avec Dieu, plutôt qu'avec les hommes ! Les hommes, bien souvent, promettent et ne tiennent pas, soit que leur promesse elle-même soit mensonge, soit que leur volonté change après qu'ils ont promis. Dieu, dit le Saint-Esprit, n'est point comme l'homme, pour mentir, ni comme les enfants des hommes, pour changer. (Nombres 23, 19.) Dieu ne peut donc manquer à ses promesses, lui la Vérité même, incapable de mensonge, lui dont la volonté, toujours juste et droite, ne peut varier.

Or, Dieu a promis d'accueillir quiconque vient à lui, d'accorder son assistance à qui la lui demande, de chérir qui le chérif : et ensuite il ne le ferait pas ? Est-ce lui qui dit et ne fait pas, qui parle et n'exécute pas ? (Nombres 23, 19.)

Oh ! que ne sommes-nous fidèles envers Dieu comme il est fidèle envers nous ! Par le passé, nous lui avons maintes fois promis de lui appartenir, de le servir, de l'aimer ; et puis, nous l'avons trahi, nous avons abandonné son service pour nous vendre comme esclaves au démon. Pour l'avenir, supplions-le de nous donner la grâce d'une courageuse fidélité.

Heureux serons-nous, si nous gardons cette fidélité à Jésus-Christ. Pour le peu qu'il exige, ses récompenses sont si magnifiques ! Il sera fidèle à nous les accorder, et, selon sa promesse à ses fidèles serviteurs, nous l'entendrons nous dire : C'est bien, serviteur bon et fidèle 1 Parce que tu as été fidèle en peu de choses, je t'établirai sur beaucoup : entre dans la joie de ton Seigneur. (Matth. 25, 21.)

Saint Alphonse - Neuvaine au Sacré-Cœur de Jésus (extrait)

Aucun commentaire:

Publier un commentaire