jeudi 21 mai 2015

R.P. Félix - La royauté de Jésus-Christ


Labora sicut bonus miles Christi Jesu.

Combats comme un vaillant soldat du Christ Jésus. (II Tim. II, 3.)

Jésus-Christ est Roi, et il a sur nous tous les droits qu’un souverain a sur ses sujets.

Après avoir montré les témoignages qui proclament, les titres qui fondent et les caractères qui distinguent cette incomparable royauté, nous avons constaté l’opposition qui lui est faite dans l’humanité ; opposition séculaire, opposition contemporaine et aujourd’hui plus grande que jamais. Envers cette royauté d’une part si magnifiquement attestée et proclamée et, d’autre part, si opiniâtrement contestée et repoussée, nous avons tous, comme chrétiens, des devoirs à remplir.

Nous avons, avant tout, à remplir vis-à-vis de sa souveraineté, le devoir général et radical de la dépendance, parce que la dépendance est corrélative à la souveraineté, qui l’engendre nécessairement.
Nous n’avons pas insisté sur ce devoir fondamental, qui fait dépendre tout sujet de son vrai souverain ; parce que ce devoir, qui résulte de la force même des choses, se révèle dans la lumière de sa propre évidence. Mais, venant au détail des devoirs qui naissent de cette dépendance elle-même, nous avons signalé hier trois grands devoirs, qui nous obligent, comme sujets, envers notre Christ Roi : le devoir de le croire, de lui obéir et de l’aimer ; le devoir de le croire, parce qu’il est l’infaillible vérité, et qu’à ce titre il a droit de régner sur nos intelligences ; le devoir de lui obéir, parce qu’il est la suprême autorité, et qu’à ce titre il a droit de régner sur nos volontés, le devoir de l’aimer, parce qu’il est le souverain amour, et qu’à ce titre il a droit de régner sur nos cœurs.

Nier pratiquement un seul de ces trois devoirs, c’est renier pratiquement Jésus-Christ : refuser de le croire, c’est renier le Christ révélateur ; refuser de lui obéir, c’est renier le Christ législateur ; refuser de l’aimer, c’est renier le Christ-amour ; et récuser et repousser en Jésus-Christ ces trois attributs de sa royauté, c’est récuser et repousser le christianisme lui-même, parce qu’en fait le vrai christianisme, c’est la vérité, l’autorité et l’amour de Jésus-Christ régnant dans l’humanité.

Mais, Messieurs, Jésus-Christ n’est pas seulement pour nous un Roi révélateur, législateur et amour, et, à ce triple titre, ayant le droit de régner sur nos intelligences, nos volontés et nos cœurs ; il est un roi, chef et conquérant, et, à ce titre, il nous demande à nous, ses soldats, le service, et pour ce service, notre dévouement : notre dévouement au triomphe de sa vérité, de son autorité et de son amour, notre dévouement absolu pour la défaite de tout ce qui fait, dans le monde, opposition à ces trois divines choses, et par elles à Jésus-Christ lui-même.

En deux mots, notre Christ-Roi et conquérant nous demande un dévouement absolu et sans réserve : 1° pour le suivre lui et son drapeau, dans la guerre qu’il veut faire à Satan et à tous ses suppôts ; 2° pour vaincre Satan et son drapeau, dans la guerre qu’il déclare depuis le commencement du monde, et aujourd’hui surtout, à Jésus-Christ et à tous les siens.

Bref, notre Christ-Roi nous demande, non plus seulement de le croire, de lui obéir et de l’aimer, il nous demande de nous dévouer à lui sans réserve, pour restaurer et défendre, contre tout ce qui l’attaque, son règne dans l’humanité.

I

Oui, Messieurs, notre dévouement absolu à notre Christ, capitaine et conquérant, pour le complet établissement de son règne dans l’humanité ; car, être des serviteurs et des soldats dévoués même jusqu’à la mort, dans l’armée divinement conquérante dont il est le général en chef, tel est le grand devoir qui s’impose à tout chrétien, en tout temps et en tout lieu, et tout particulièrement dans notre temps et dans notre chère France.

Ce serait ici le lieu, avant d’aller plus loin, de vous dire tout ce que renferme ce mot : le dévouement, et en particulier le dévouement à Jésus-Christ.

Le dévouement ou le libre don de soi-même aux autres, le dévouement, alors qu’il est sincère et désintéressé, le dévouement surtout poussé jusqu’au sacrifice, est, sans contredit, ce qu’il y a de plus grand, de plus sublime, de plus puissant et de plus fécond dans l’humanité.

C’est par son dévouement que l’homme s’élève au-dessus de lui-même, atteint son plus haut sommet, et se couronne de la gloire de ses bienfaits et de ses sacrifices. C’est par son dévouement que l’homme agrandit sa puissance et multiplie sa fécondité. Il n’y a dans l’humanité entière aucune chose grande, féconde et vraiment salutaire qui ne soit l’œuvre d’un dévouement. Les actions et les institutions qui ont laissé dans l’histoire un sillon plus éclatant sont les actions et les institutions inspirées par le dévouement ; et ces arbres aux fruits d’or, que les générations recueillent en passant, ont tous été plantés et fécondés par des mains dévouées.

Tout ce qu’il y eut et tout ce qu’il y a encore dans les individus, les familles et les sociétés, d’exceptionnellement beau, puissant et salutaire, en quelque sphère de la vie que ce soit, tous les grands héroïsmes surtout, et toutes les immolations volontaires les plus illustres, rendraient témoignage à cette vérité : le dévouement est la plus haute cime de la vie, et il est le générateur de toutes les vraies grandeurs humaines.

Mais, si le dévouement se révèle si grand, partout où il fait son apparition, et alors même qu’il ne s’élève pas plus haut que les sphères où se meut l’humanité, que dire du dévouement à Jésus-Christ, c’est-à-dire du dévouement qui a pour objet la personne même de notre Christ-Roi, du Christ Homme-Dieu ? Qui ne voit que ce dévouement se couvre et s’empreint de la grandeur même de celui qui en est l’objet, et comment ce dévouement, en montant jusqu’à l’Homme-Dieu, reçoit de lui un caractère d’élévation, de puissance et d’universalité qu’il n’aurait pas de lui-même en s’adressant à des êtres purement humains ?

Mais, ce qu’il faut remarquer surtout ici, dans le dévouement à Jésus-Christ, c’est son caractère essentiellement chrétien. C’est qu’en effet, le dévouement à Jésus-Christ est comme la quintessence du vrai christianisme ; et on peut définir le christianisme, j’entends le christianisme pratique, le dévouement à Jésus-Christ.

C’est qu’en effet, le chrétien, à le bien définir, est un homme voué à Jésus-Christ, oui, voué à Jésus-Christ par son baptême, voué de nouveau par la rénovation de ce vœu du baptême, voué à Jésus-Christ par le sacrement de la confirmation et voué plus intimement encore à Jésus-Christ par le mystère de la communion. Comment, en effet, le chrétien qui, comme le mot le révèle, devient dans la communion un avec Jésus-Christ, pourrait-il ne pas être dévoué à Jésus-Christ ? Comment, sans renier à la fois son baptême, sa confirmation et sa communion, pourrait-il refuser à son Christ-Roi le dévouement qu’il lui demande ?

Voilà, Messieurs, ce que, comme préliminaire, j’ai cru devoir rappeler en peu de mots : le dévouement, en général, est le plus haut sommet de la vie humaine, le dévouement à Jésus-Christ est la plus haute expression du christianisme, il est le christianisme pratique lui-même.

Et voilà ce que notre Christ-Roi vous demande pour concourir à l’entreprise que médite ce Roi conquérant, l’établissement ou la restauration de son règne dans l’humanité : le dévouement à sa personne, et par conséquent le dévouement à sa cause.

Je ne m’arrêterai pas à vous rappeler tous les droits essentiels que ce Roi conquérant a de vous demander votre dévouement. Ce qui fonde ces droits, c’est ce qui fonde sa royauté elle-même.

Nous avons montré, dans notre premier discours, les titres incontestables qui fondent sa royauté sur nous. Or, tout ce qui démontre que Jésus-Christ est notre Roi et notre Souverain démontre que nous sommes ses sujets ; et tout ce qui atteste que nous sommes ses sujets, atteste par le fait même que nous devons lui être dévoués.

Être dévoué au roi, c’était la loi et l’honneur, sous notre vieille monarchie chrétienne, et, pendant de longs siècles, des générations entières ont rehaussé par ce dévouement leur dépendance devant l’autorité royale. Leur obéissance, en se transformant en dévouement, donnait à leur soumission d’humbles sujets un caractère sublime.

Ce qui n’existe plus, hélas, dans l’ordre purement humain, demeure et ne périra jamais dans l’ordre chrétien proprement dit.

Le dévouement au Christ-Roi nous demeurera à jamais comme la loi, la pratique et la gloire du vrai christianisme, et ce Roi des rois traverse les siècles, environné d’une aristocratie, qu’il se fait par son amour. Cette aristocratie où la noblesse et la grandeur se mesurent aux services rendus au divin Roi, c’est l’aristocratie des dévoués.

Mais quel est le dévouement que notre conquérant nous demande surtout ?

Le dévouement dans l’humanité et dans le christianisme peut prendre des formes indéfiniment variées. Celui que nous demande ici notre divin capitaine, je l’appelle le dévouement militaire, le dévouement du soldat à la cause et au triomphe de son Roi.

Oui, Messieurs, le dévouement qu’attend de nous notre Christ-Roi, c’est le dévouement du soldat, prêt à le suivre, à le servir et à l’aider dans tous les combats.

C’est que le christianisme, c’est la lutte, encore la lutte, et toujours la lutte, et la lutte dans des proportions, avec une profondeur, une largeur, une durée qu’on n’avait pas connues de l’autre côté du Calvaire. Et c’est une vérité qu’il faut bien entendre, un fait qu’il importe tout d’abord de bien constater.

La lutte, il est vrai, a toujours existé dans le monde depuis la chute primitive, et, il y a plus de trois mille ans, un homme divinement inspiré nous révélait cette loi de l’humanité, alors qu’il s’écriait : Militia est vita hominis super terram (Job, VII I, ). C’est que le patriarche de la terre de Hus, mieux encore que la sibylle de Cumes, entendait lui venir de partout le bruit des luttes et des combats et que, lui aussi pouvait s’écrier : Partout des guerres et d’horribles guerres, Bella, horrida bella !

Telle est, en effet, l’immense et perpétuelle rumeur de l’histoire : des guerres, toujours des guerres ; la lutte au dedans et la lutte au dehors.

Cette loi de la lutte est tellement l’histoire de l’humanité en général, et le fait de toutes les sociétés, qu’un peuple, un seul peuple, échappant aux agitations de la guerre et jouissant des douceurs d’une perpétuelle paix, est encore à trouver sur la terre.

Et considérée dans chaque homme en particulier, la lutte contre lui-même, la lutte entre sa raison et ses passions, entre son esprit et sa chair, est tellement la nécessité et la loi de sa vie, que quiconque récuse la lutte, s’amoindrit, se déshonore, se dégrade, et tombe au-dessous de l’homme. Car, l’homme, vir, veut dire la force ; or, la force grandit dans la lutte, et la virilité sort, armée de force, des épreuves et des souffrances du combat.

Je n’insiste pas sur la réalité de cette lutte dans la vie humaine. Chacun de nous la porte au plus intime de son être, et sent en lui la lutte perpétuelle des deux hommes dans l’homme, luttant l’un contre l’autre au fond de ses entrailles, comme Esaü et Jacob dans le sein de Rébecca.

Mais, Messieurs, si la vie simplement humaine, c’est la lutte déjà, il est une vie supérieure où la lutte se produit d’une manière plus intime, plus profonde et dans de plus vastes proportions : c’est la vie chrétienne. Le christianisme, c’est, de toutes manières, la lutte agrandie. Il est, par excellence, la religion militante.

Je disais hier : Creusez en tous sens le christianisme, vous y découvrez l’amour, l’amour de Jésus-Christ ; je vous dis maintenant : Creusez en tous sens le christianisme, et, vu sous tous ses aspects, le christianisme se révèle comme la lutte organisée dans l’univers, et la lutte organisée dans l’homme : entre ces deux choses, l’amour et la lutte constituant le christianisme, il n’y a pas de contradiction ; parce que l’amour de Jésus-Christ, qui en est le fond, est nécessairement, depuis la chute originelle, un amour militant.

Ah ! oui, le christianisme c’est la lutte.

J’en atteste son dogme qui en est la révélation. En dehors du dogme chrétien, la lutte, comme fait, subsiste, mais elle demeure un mystère.

Pourquoi la lutte dans l’humanité ? Pourquoi surtout la lutte dans chaque homme en particulier ? Pourquoi l’homme est-il obligé de lutter contre lui-même ? Pourquoi surtout, dans certaines situations, l’homme est-il condamné à se frapper et à se blesser lui-même, et à porter au plus vif et au plus sensible de son être les coups les plus violents et souvent les plus douloureux ? Comment un Dieu sage, un Dieu juste, a-t-il pu, en créant l’homme, mettre l’antagonisme et la guerre au fond de ses entrailles ? Ou comment la nature pourrait-elle à ce point se contredire elle-même ? Les philosophes, depuis trois mille ans, ont scruté tous les systèmes, pour essayer de résoudre ce mystérieux problème de la lutte ; ils ont, pour y arriver, remué ciel et terre, mais, bon gré mal gré, le mystère subsistait ; et, à la fin, désespérant de l’expliquer, nos philosophes novateurs ont pris le parti de le nier, et ils ont dit : Non, la lutte n’existe pas dans l’homme : la lutte c’est erreur, la lutte c’est préjugé ; dans l’homme il n’y a que l’harmonie.

Eh bien ! le christianisme, sur ce mystère de notre vie, ne nie rien et il explique tout, et il justifie devant la sagesse et la justice de Dieu ce mystère de l’homme ; comment ?

Par ces trois mots de son dogme révélateur : la création, la chute et la restauration.

La création, ce fut dans l’homme l’ordre et l’harmonie.

La chute, ce fut dans l’homme le désordre et la ruine.

Et la restauration de l’ordre et de l’harmonie, c’est moi, dit le christianisme ; moi, la réaction divine contre le désordre humain ; moi, le drapeau du bien relevé contre le drapeau du mal ; moi, la grande et perpétuelle bataille de la vérité contre l’erreur, de la justice contre l’iniquité, de l’ordre contre le désordre ; moi, l’antagonisme éternel et divin de l’esprit contre la chair.

Oui, nous crie de toutes les manières notre christianisme militant, entre l’esprit et la chair la haine est irréconciliable, la lutte est inapaisable et la guerre est à mort : « La chair, partout et toujours, convoite contre l’esprit et l’esprit contre la chair : Caro concupiscit adversus spiritum, spiritus autem adversus carnem (Galat., V, 17). » Or, la chair c’est le désordre, et l’esprit c’est moi ; la chair c’est Satan, et l’esprit c’est moi ; la chair c’est le monde, le monde tout entier dans la malice, et l’esprit c’est moi ; moi, qui suis la lutte et la guerre ; moi, qui suis venu pour apporter au monde non la paix, mais le glaive : Non veni pacem mittere sed gladium (Matt., X, 34).

Ainsi, nous dit le christianisme par la voix de son fondateur, je viens, le glaive à la main, pour frapper dans l’humanité toutes les révoltes de la chair et des passions désordonnées ; c’est-à-dire toutes les révoltes du mal contre le bien ; je viens, par le droit et la puissance de ma royauté divinement légitime, relever dans les âmes le trône de la vérité et de la justice, et je marche dans la guerre pour arriver à la grande paix, c’est-à-dire au repos des âmes et des cœurs, dans la vérité, la justice et l’amour.

Ainsi, le christianisme, par son dogme de la chute et de la restauration, nous révèle le mystère de la lutte et se proclame, lui, comme la lutte permanente et universelle dans l’humanité.

Ce qu’il nous révèle, par son dogme, il le proclame, en effet, partout et toujours par sa prédication.

La voix de ses prédicateurs, qui se fait entendre jusqu’aux extrémités de la terre, cette voix, qui ne se tait ni jour ni nuit, si vous l’écoutez bien, retentit comme le son de la trompette et du clairon. Elle est l’universel et permanent appel au combat, et aujourd’hui encore, même au milieu de vous, nous, porteurs da la sainte parole, que faisons-nous autre chose ? Et pourquoi moi-même suis-je dans cette grande chaire de Notre-Dame, si ce n’est pour vous encourager à la lutte, à la lutte contre vous-mêmes, à la lutte contre le monde, et pour vous donner, comme d’un lieu élevé d’où l’on est entendu de loin, le signal du combat ?

Jamais parole dans l’univers ne fut plus guerroyante et n’eut des accents plus belliqueux que la prédication catholique : c’est quelque chose comme la voix d’un capitaine, criant non à un groupe d’hommes seulement, mais à l’humanité tout entière : Aux armes, soldats ! en avant marche ! et droit à l’ennemi !

Il serait curieux d’entendre tout ce que, depuis bientôt deux mille ans, l’éloquence de tous nos prédicateurs a fait entendre de paroles guerrières, pour rappeler aux générations chrétiennes cette grande loi du christianisme, la loi de la lutte, et les exciter à combattre au dedans et au dehors toutes les puissances du mal.

Ecoutez seulement, sur ce point, la voix du premier et du plus grand prédicateur du christianisme ; écoutez la voix de saint Paul.
La religion de la lutte venait à peine de naître, que déjà ce grand apôtre disait aux premiers soldats enrôlés sous la bannière du Christ-Roi : « Fortifiez-vous dans le Seigneur et dans la puissance qui vous vient de la force divine, confortamini in Domino, et in potentia virtutis ejus. Revêtez-vous de l’armure de Dieu, induite vos armaturam Dei ; afin que vous puissiez tenir ferme contre les embûches du diable, ut possitis stare contra insidias diaboli. C’est que nous n’avons pas seulement à lutter contre la chair et le sang, quoniam non est nobis colluctatio adversus carnem et sanguinem ; nous avons à combattre les princes du royaume des ténèbres et ceux qui y règnent, sed adversus principes et potestates, adversus mundi rectores tenebrarum harum.

« Donc, prenez, pour ces combats, non pas une arme quelconque, capable de se briser entre vos mains, mais prenez l’arme de Dieu, accipite armaturam Dei, afin qu’au jour mauvais, c’est-à-dire au jour où vous subirez les attaques du mal, vous puissiez résister, ut possitis resistere in die malo, et en toutes choses demeurer parfaits, et in omnibus perfecti stare ; c’est-à-dire être de vrais soldats de notre Christ-Roi, dignes de la vocation guerrière qu’il vous fait (Ephes., VI, 10-13). »

Ainsi a retenti, près du berceau du christianisme, la parole de l’apôtre, à la fois soldat et conquérant. En entendant cette parole, qui croiriez-vous entendre, ou la voix d’un prédicateur parlant aux fidèles du Christ, ou la voix d’un capitaine appelant au combat ses soldats dévoués ? Eh bien ! la prédication chrétienne, c’est l’écho universel et séculaire de cette voix de saint Paul.

Et dans combien d’autres circonstances l’apôtre, sous diverses formules, ne redit-il pas ses appels à la lutte et ses accents guerriers : « Travaille, dit-il à Timothée, c’est-à-dire combats comme un vaillant soldat de Jésus-Christ, labora sicut miles Christi (II Timoth., II, 3). »

Et ailleurs : « Combats le bon combat de la foi, certa bonum certamen fidei (I Timoth., VI, 12). On ne couronnera que celui qui aura bien combattu, non coronatur, nisi legitime certaverit (II Timoth., II, 5). »

Et, résumant lui-même sa vie d’apôtre, c’est-à-dire sa vie de luttes et de combats, saint Paul se rend à lui-même ce témoignage du soldat vaillant, près de mourir : « J’ai combattu le bon combat, bonum certamen certavi, et j’ai achevé ma carrière de soldat du Christ, cursum consummavi (II Timoth., IV,
7). »
Ainsi partout, les lettres de l’apôtre guerrier respirent la lutte et le combat. Sa parole en est la perpétuelle prédication, et sa vie en est la plus complète réalisation.

Les autres apôtres font entendre les mêmes accents et prêchent la même loi du combat, comme la loi essentielle du vrai christianisme.

Quatre siècles plus tard, un autre vaillant soldat de Jésus-Christ, saint Jean Chrysostome, exposait avec une rare éloquence cette loi du christianisme : « O chrétien, montre ton courage et ta force, exere vires, et combats, fortiter dimica. Souviens-toi de l’engagement que tu as pris, pactum quod spopondisti, et de la milice dans laquelle tu t’es enrôlé, militiam cui nomen dedisti. »

Ah ! l’engagement que vous avez pris, le serment que vous avez fait, c’est d’être de vrais chrétiens, donc, des soldats dévoués à votre Christ-Roi ; et la milice dans laquelle vous vous êtes enrôlés, c’est le christianisme, c’est-à-dire la grande armée toujours militante, la plus grande et la plus glorieuse armée qui ait jamais été vue sous le ciel.

La grande armée ! Tel est le mot qui exprime le mieux la nature et l’histoire du christianisme, et il n’y en a pas qui nous dise mieux pourquoi nous devons au Christ, notre Roi, le dévouement dont nous avons parlé tout à l’heure et que nous avons nommé le dévouement militaire. C’est que la religion que nous professons et à laquelle nous lient d’inviolables serments est, dans le meilleur et le plus sublime sens de ce mot, une armée, et que la vie de cette armée est un perpétuel combat ! Et c’est sur le spectacle grandiose que nous présente cette armée, que je vous prie d’arrêter un moment vos regards ; rien ne pouvant mieux vous révéler la vocation que nous fait notre Christ, en nous y demandant notre service dévoué et vraiment militaire.

Ah ! cette incomparable armée, comment vous la peindre et vous la montrer dans tout son harmonieux ensemble, et dans toute sa majestueuse et divine beauté ?

Cette armée a une organisation divinement sublime et belle dans sa simplicité ; c’est ce que nous avons appelé la hiérarchie catholique ; la hiérarchie qui se déploie dans l’univers, avec ses trois rangs superposés des pasteurs, des évêques et des pontifes : là, les pasteurs sont comme les capitaines, les évêques, comme les généraux, et le pontife suprême, comme le généralissime exerçant le commandement d’une manière visible, en qualité de vicaire ou de lieutenant du Christ-Roi. Et, au-dessous de ce triple rang de l’autorité qui commande, marche, avec tous ses groupes, aussi hiérarchiquement disposés, la masse des soldats qui obéissent. Et, nulle part, en aucune société et en aucune armée, une telle harmonie ne se rencontre.

Cette armée a un drapeau, un drapeau pour guider et, au besoin, rallier l’armée tout entière ; un drapeau ouvrant la marche à tous les courages et à tous les dévouements qui le suivent : c’est le drapeau de la Croix, drapeau du sacrifice, portant la trace du sang du divin Immolé ; drapeau, sans comparaison aucune, le plus vraiment glorieux qui se soit déployé sous le ciel, et le seul qui fasse le tour du monde.

Bien autrement glorieux que le drapeau, dont on peut être fier et qui n’a fait pourtant que le tour de l’Europe, notre drapeau, le drapeau de notre divin crucifié, à la lettre, fait le tour du monde, laissant par derrière lui, partout où il a passé, non pas, comme tant d’autres, des destructions et des ruines, mais des vertus et des bienfaits et, en particulier, la civilisation, la vraie civilisation qui ne germe, ne fleurit et ne se maintient qu’à l’ombre de la croix.

Cette armée a une armure, l’armure de Dieu si bien décrite par saint Paul, lorsque, après avoir donné aux Ephésiens le mot d’ordre du combat contre leurs vrais ennemis, il les arme, pour ainsi dire de pied en cap, par ses paroles vraiment guerrières et dites tout exprès pour les vrais soldats du Christ-Roi : « Donc, debout ! soldats que vous êtes, debout ! mettez autour de vos reins la ceinture de la vérité, succincti lumbos vestros in veritate, et autour de vos poitrines, la cuirasse de la justice, induti loricam justitiæ. Chaussez vos pieds pour ouvrir par la guerre la voie à la paix évangélique, calceati pedes in præparatione Evangelii pacis. Et puis, portez partout le bouclier de la foi, sumentes scutum fidei, afin que vous puissiez repousser les traits les plus enflammés de l’ennemi. Placez sur vos têtes le casque du salut, galeam salutis assumite, et, tandis que vous tenez à votre bras gauche le bouclier de la foi, prenez, dans votre main droite, le glaive, le glaive de l’esprit, qui n’est autre que la parole de Dieu, gladium spiritus, quod est Verbum Dei (Ephes., VI, 14-17).

« Et, ainsi armés de toutes pièces, armés de la vérité et de la force même de Dieu, frappez à droite et à gauche, a dextris et a sinistris ; allez, dans la gloire ou l’ignominie, per gloriam et ignobilitatem, dans l’infamie et la bonne renommée, per infamiam et bonam famam ; et partout triomphez de vos ennemis par les armes de la justice, per arma justitiæ (II Cor., VI, 7-8). »

Telle est l’armure que nos soldats doivent porter dans tous leurs combats : ceinture de la vérité, cuirasse de la justice, casque du salut, bouclier de la foi, glaive de la parole. Jamais avant l’Evangile, telle armure de guerre n’avait été portée dans les combats et n’avait pu même s’imaginer. Là, vous le voyez, ni le fer ni le feu ; là, nul engin de mort ou de destruction ; là, non des armes qui blessent, mais des armes qui guérissent ; non des armes qui tuent, mais des armes qui sauvent ; armes vraiment divines qui, au lieu de donner la mort, donnent la vie !

Cette armée a un champ de bataille ; et ce champ de bataille, c’est le monde entier. Jamais les conquérants, même les plus illustres et les plus victorieux, n’ont eu pour champ de bataille toute la surface de la terre, et jamais leurs plus vastes conquêtes n’en ont atteint, en tous sens, les extrêmes limites. Alexandre se trompait, lorsque, arrivé au terme le plus lointain de ses conquêtes, il soupirait, parce qu’il croyait n’avoir plus rien à conquérir.

Le rêve de la conquête universelle est encore plus chimérique que celui de l’universelle royauté. Et ceux-là même à qui il a été donné d’étendre le plus loin leurs conquêtes, règle générale, n’ont pu se maintenir dans les positions conquises, et leur champ de bataille s’est resserré avec celui de leurs conquêtes.

Alors même que leurs victoires poussaient plus loin dans l’espace, une chose leur manquait fatalement, c’est ce que j’appellerais volontiers le champ de bataille de la durée ; et si, jusqu’à certaines limites, leur armée pouvait franchir les espaces, jamais elles n’ont pu franchir les siècles, et, souvent, leurs bataillons disparaissaient, ou peu s’en faut, comme la poussière que leur marche soulevait au chemin où ils passaient.

Eh bien ! voici une armée qui traverse à la fois les siècles et les espaces ; combattant partout et combattant toujours. Ses tentes et ses pavillons se déploient sur tous les rivages, ses phalanges et ses bataillons luttent dans les cinq parties de notre monde terrestre, et deux mille ans bientôt de combats et de victoires attestent sa marche perpétuelle dans le temps, comme sa présence universelle dans l’espace. Et bien que séparées par de longs siècles et par des distances immenses, ses phalanges marchent comme un seul homme dans l’unité d’un même commandement.

Cette armée, en effet, en quelque partie du monde et à quelque point de la durée qu’elle porte son drapeau, a un seul et même chef : au ciel le Christ-Roi, son chef invisible, et sur la terre le Souverain Pontife, son chef visible et lieutenant de Jésus-Christ. Seul un vieillard, du haut du Vatican, commande en chef à cette armée qui a pour champ de bataille les espaces et les siècles, et compte dans ses rangs trois cent millions de combattants sortis de toutes les conditions et de tous les degrés de l’humanité. A un signe de sa main, à une parole de ses lèvres, cette armée avance, s’arrête ou recule, combat ou se repose, conclut la paix ou la guerre, sans jamais quitter tout à fait le champ de bataille où elle se meut, toujours prête, au premier signal de son chef, à braver tous les périls et à voler à la mort pour donner la vie !

Et voilà ce qui fait surtout l’incomparable beauté de cette armée : c’est dans ces proportions qui la font grande comme l’espace, longue comme la durée, vaste comme l’humanité, et surtout dans cette prodigieuse variété de légions, de phalanges et de bataillons, cette harmonieuse unité qui les fait tous marcher sous les ordres d’un seul homme, représentant sur la terre le souverain Maître qui est au ciel ! Oh ! grande et magnifique armée de mon Christ-Roi, que tes tabernacles et tes pavillons sont beaux ! Quam pulchra tabernacula tua et tentoria tua (Num., XXIV, 5).

Telle est, Messieurs, peinte en quelques traits trop rapides, l’armée de notre Christ-Roi sur la terre. Elle marche à travers les orages, comme sous le ciel le plus serein ; elle traverse, au moins par quelques-unes de ses légions, les contrées les plus âpres et les plus incultes, comme les plus cultivées et les plus florissantes, les peuples les plus barbares et les plus sauvages, comme les plus polis et les plus civilisés. Le pas profond de cette immense armée remue le monde, et le bruit qu’elle fait en marchant est le bruit même de l’histoire ; c’est, depuis bientôt deux mille ans, la grande rumeur de l’humanité.

Eh bien ! je le répète, dans cette armée, nous sommes tous soldats, oui tous, chrétiens que nous sommes, prêtres et laïques, hommes et femmes, riches et pauvres, savants et ignorants, nobles et bourgeois, princes et peuples, tous soldats dévoués de notre Christ-Roi et, comme tels, tous obligés d’être à notre poste, d’y porter, avec nos armes, notre dévouement et, au besoin, un dévouement poussé jusqu’au sacrifice même de la vie.

Ah ! malheur à nous, si dans cette armée, dont nous avons juré de suivre le drapeau, nous refusons de tenir notre place, de garder notre poste, fût-il même le plus périlleux, et si, dans les combats qu’elle livre à chaque pas, nous refusons de prendre notre part. Nous trahissons notre cause et notre Roi, et nous nous abdiquons nous-mêmes comme chrétiens, car combattre pour Jésus-Christ et avec Jésus-Christ, ce qui revient à dire : combattre avec l’Eglise et pour l’Eglise, c’est pour tout chrétien le suprême devoir !

Dans cette bataille qui ne finit jamais que pour recommencer toujours, les postes pour chaque soldat peuvent être différents, mais la loi du combat est la même pour tous. Les dévouements peuvent s’y produire avec plus ou moins d’éclat, mais tous ont la vocation d’y apporter un dévouement, et si tous, aux heures des grandes luttes, n’y combattent pas avec le même héroïsme, tous y doivent combattre avec vaillance ; et ceux qui, parmi nous, ne montreraient pas au moins, dans le combat, un courage, un dévouement et une fidélité vulgaires, porteraient, écrit sur leur front, aux yeux de tous, ce mot déshonorant : lâches, et aux yeux de notre Christ-Roi, ce mot plus déshonorant encore : traîtres ! Si, comme chrétiens, nous comprenons autrement notre vie, nous avons cessé de nous connaître et de nous comprendre nous-mêmes.

Enfin, Messieurs, notre armée — et c’est ici le mot décisif, — avec tout ce que je viens de dire, avec ses soldats, son organisation, son drapeau, son armement et son immense champ de bataille, a ce qu’on nomme, dans la guerre, un objectif.

Tout capitaine, tout commandant, tout chef, à la tête d’une armée, doit avoir un objectif déterminé, objectif variant selon les situations : tantôt tourner l’ennemi, tantôt le surprendre, tantôt monter à l’assaut d’une cité, et tantôt la réduire par la famine, tantôt porter la guerre chez l’ennemi et tantôt marcher droit sur sa capitale, etc.

L’armée chrétienne, elle aussi, a son objectif, varié quant à la manœuvre et à la stratégie, mais en réalité toujours le même : propager et étendre le règne de Jésus-Christ, et pour cela combattre l’ennemi qui l’attaque, déjouer ses ruses, repousser ses assauts, vaincre sur le champ de bataille toutes ses forces réunies.
Or, l’ennemi, l’antique et éternel adversaire de Jésus-Christ, c’est Satan, Satan avec tous ses partisans et tous ses suppôts recrutés sur la terre, Satan avec tout ce qu’il y a d’impie, de pervers, de perfide, de méchant dans l’humanité, Satan levant en face du drapeau de Jésus-Christ le drapeau de l’antichristianisme.

Aussi, résister à l’antichristianisme, partout où il attaque, et non seulement lui résister, mais l’attaquer lui-même dans ses propres retranchements, et jour par jour, de bataille en bataille, le vaincre sur toute la ligne : voilà le grand et perpétuel objectif de l’armée chrétienne. Son mot d’ordre et son cri de guerre est partout et toujours celui-ci : Gloire à jamais au règne de Jésus-Christ, à bas son implacable ennemi ! Allons, marchons, et partout renversons le règne de Satan. Partout où il porte l’attaque, portons le combat, et avec le combat, la victoire.

C’est ce qu’il me reste à vous montrer : comment l’antichristianisme de Satan attaque le christianisme, et comment notre dévouement partout doit combattre et vaincre l’antichristianisme.

II

Oui, Messieurs, Satan, lui aussi, a une armée, l’armée de l’antichristianisme, avec laquelle il attaque partout et toujours l’armée de Jésus-Christ ou le christianisme.

Mais, avant de préciser les points où Satan porte, avec ses bataillons, ses principaux coups, et où notre dévouement doit surtout se déployer, il importe de dire, en peu de mots, ce qu’est cette armée que Satan conduit à l’attaque du christianisme.

Cette armée, elle aussi, a ses soldats, soldats rangés en bataillons divers ; quels soldats et quels bataillons !

Et d’abord voici les bataillons portant, sous diverses couleurs, la bannière de toutes les grandes erreurs : bataillons des sceptiques, des rationalistes, des matérialistes, des panthéistes et des athées.

Après eux et avec eux viennent les bataillons du mal, du vice et de la corruption.

Imaginez tout ce qu’il y a dans l’humanité de plus pervers et de plus orgueilleux, de plus cupide et de plus sensuel, de plus voluptueux et de plus impie : tout cela portant la bannière du mal et marchant à l’attaque de tout bien.

Et puis derrière eux, vous voyez venir, avec leurs couleurs et leurs nuances indéfiniment variées, les bataillons de toutes les révoltes et de toutes les insurrections : socialistes et communistes, possibilistes et anarchistes, tous marchant à la fois à l’attaque de la société et du christianisme.

Et derrière tous ces bataillons, marche, les encourageant et les poussant tous à l’attaque de Jésus-Christ, une légion immense et à elle seule formant une sorte d’armée : c’est la légion essentiellement antichrétienne, la franc-maçonnerie, la grande ennemie jurée de notre Christ-Roi.

Cette armée, elle aussi, a une organisation. Toutes les forces qu’elle conduit à l’attaque de l’Eglise sont hiérarchisées entre elles. Là aussi, il y a différents degrés de dignité, de fonction, de puissance et d’action. Là, sous des noms divers, étranges et bizarres parfois, pour employer ici les vocables de la langue et de la hiérarchie militaire, il y a des généraux, des colonels, des capitaines et, au-dessous, des grades et des emplois inférieurs.

Bref, dans cette armée comme dans l’armée catholique, les postes et les ministères sont subordonnés les uns aux autres ; les commandements et les mots d’ordre circulent avec la rapidité de l’étincelle électrique ; et ces hommes, dont les convictions personnelles se heurtent souvent à celles de ceux qui les touchent, marchent quand même à leur rang assigné par la secte, et bien que divisés entre eux, comme à Babylone, par la confusion des idées et des langues, tous ces hommes, soumis au même commandement, et fidèles au même mot d’ordre, se rencontrent et s’unissent dans la même pensée et la même résolution, la pensée et la résolution d’anéantir sur la terre le règne de Jésus-Christ.

Ainsi, grâce surtout à l’influence et à l’action maçonnique, cette armée du mal a une organisation : organisation à la fois publique et latente, dont une partie se découvre aujourd’hui à la lumière de la publicité, et dont l’autre demeure toujours cachée dans l’ombre du mystère, et dans les cavernes obscures d’où la secte envoie ses mandats impératifs.

Cette armée, elle aussi, a une armure, mais quelle armure ? L’armure de Satan. Vous venez d’entendre comment saint Paul décrit ce qu’il nomme bien l’armure de Dieu, armaturam Dei : la ceinture de la vérité, la cuirasse de la justice, le casque du salut, le bouclier de la foi, le glaive de l’esprit et, avec tout cela, la prière, la mortification, la bonté, la charité, etc.

Mais voici, dans l’armée ennemie, des armes bien différentes : au lieu de la vérité, l’erreur, au lieu de la justice, l’iniquité, au lieu de la foi, l’incrédulité, au lieu de l’esprit, la matière, au lieu de la parole de Dieu, la parole de l’homme, au lieu de la prière, le blasphème, au lieu de l’humilité, l’orgueil, au lieu de la bonté, la colère, au lieu de la mortification, la sensualité, au lieu de la charité, la haine !... Et puis ces armes obligées et professionnelles de la secte franc-maçonne, à savoir : la ruse, la dissimulation, l’hypocrisie, le dénigrement, la calomnie et, par-dessus tout, l’arme la plus familière et la plus chère au prince des ténèbres, le mensonge, cette arme préférée du grand impie, donnant aux soldats qu’il conduisait à l’assaut de l’Eglise ce mot d’ordre vraiment satanique : « Mentons, mentons hardiment ; il en reste toujours quelque chose. »

Cette armée, elle aussi, a un champ de bataille ; lequel ? Le champ de bataille de l’Eglise elle-même.

Chose remarquable, en effet, partout où l’Eglise porte, avec son drapeau, le règne de notre Christ-Roi, cette armée marche sur ses pas, et partout la suit jusque dans les contrées les plus reculées. Et pourquoi ? Pour contredire sa parole, pour nier ses bienfaits, pour paralyser ses dévouements et, autant qu’elle peut, anéantir l’œuvre de sa charité et de ses sacrifices. Ce n’est pas seulement le protestantisme qui lutte, sur tous les rivages du monde, contre les légions héroïques de nos missionnaires, c’est aussi, et par-dessus tout, la secte par excellence anticatholique et antichrétienne, la franc-maçonnerie, cette pieuvre dont les tentacules s’allongent jusqu’aux extrémités de la terre, pour y saisir les âmes et les arracher à Jésus-Christ.

Cette armée a un drapeau, elle aussi, un drapeau qu’elle élève partout audacieusement devant le drapeau de la croix. Ce drapeau que longtemps l’antichristianisme gardait enfermé dans ses conciliabules souterrains, il ose aujourd’hui le déployer au grand jour. On le voit flotter au vent de toutes les révolutions, il apparaît planté sur toutes les grandes ruines, il guide à l’assaut de toutes les saintes choses, à la consommation de toutes les grandes iniquités et de tous les crimes exceptionnels. Véritable drapeau noir, portant partout la mort et annonçant la guerre à tout ce qui vivifie l’humanité, et digne à ce titre de guider la marche de l’armée de Satan. Et avec ce drapeau qui dirige l’armée entière de l’antichristianisme, la secte antichrétienne par excellence étale les insignes qui la distinguent, et elle tend, ô Sauveur Jésus, à les déployer jusque dans vos temples et au milieu même de nos solennités, in medio solemnitatis tuæ, posuerunt signa sua, signa. Et ce cri des impies de l’antique Jérusalem : « Faisons cesser sur la terre toutes les fêtes de Dieu » montre clairement où veut en arriver cette armée de l’antichristianisme, et quel est son véritable objectif.

Cette armée en effet, elle aussi, a son objectif, et son objectif est celui-ci : Par tous les moyens possibles, ruiner et détruire le christianisme. Un opportunisme machiavélique et une prudence satanique peut dissimuler plus ou moins l’attaque et affecter, dans cette guerre déclarée au christianisme, une modération relative : mais le but est certain, l’objectif est déterminé : en finir avec la religion de Jésus-Christ, et le cri de guerre, plus ou moins retentissant, est partout et toujours le même : « A bas l’Eglise catholique, à bas le christianisme ! »

Et tel est le mot d’ordre donné pour le combat : Marchez, et dans la lumière ou dans les ténèbres, frappez sur tout ce qui est chrétien, et, en frappant, visez surtout ce qu’il y a dans l’Eglise, de plus grand, de plus élevé, de plus respecté, de plus illustre par la dignité, par le talent, par l’éloquence, par le génie, par l’influence. Que la ruine de cet édifice que nous avons juré d’abattre, commence par ses sommets les plus hauts, en attendant sa ruine totale et sa disparition complète.

Voilà l’objectif réel de l’armée satanique, voilà le point de mire montré et le signal donné à tous les soldats de l’antichristianisme : frapper le Christ en frappant les chrétiens, bref, anéantir avec le christianisme le règne de Jésus-Christ.

Il n’est plus possible, sur ce point, de se faire une dernière illusion : le fait s’impose à la pensée, je pourrais même dire aux regards. Naguère encore, lorsque du haut de nos chaires chrétiennes nous signalions ce phénomène de l’antichristianisme en plein christianisme, aux yeux de nos optimistes et soi-disant modérés, nous exagérions, et nous inventions, pour le combattre, un ennemi chimérique, un être imaginaire. Aujourd’hui, à moins de fermer les yeux pour ne rien voir, et les oreilles pour ne rien entendre, cette illusion n’est plus possible : le fait de l’antichristianisme est, pour tous, public, manifeste, tangible ; et son agression partout et de toutes les manières se fait sentir à tous.

Mais, sur quels points surtout nous attaque-t-il et avons-nous à le combattre ? C’est ce qu’il importe ici de signaler avant de finir.

Je pourrais dire, d’un seul mot qui résumerait tout, qu’il nous attaque sur tous les points et sur toute la ligne. Mais il nous attaque surtout sur les trois points capitaux que voici : il attaque notre Christ-Vérité par la puissance de l’erreur, notre Christ Autorité par la puissance de la révolution, notre Christ-Amour par la puissance de la haine.

Ainsi, nous n’avons pas seulement, comme nous le disions hier, le devoir d’embrasser, sous ce triple rapport, notre Christ-Roi ; nous avons le devoir de le défendre et de vaincre l’ennemi qui l’attaque.

Sous ce triple rapport, nous avons tous, chrétiens, à mettre au service de notre Christ-Roi ce que j’ai appelé le dévouement militaire, c’est-à-dire le dévouement qui lutte, combat, et, quand il le faut pour sa défense, sait mourir pour lui.

La première agression de l’antichristianisme contre le christianisme est celle qui attaque notre Christ-Vérité par la puissance de l’erreur, c’est l’attaque du Roi de la lumière par le prince des ténèbres ; et c’est contre cette première attaque que notre dévouement doit défendre notre Christ-Roi.

Accepter pour le gouvernement de notre intelligence toute la doctrine de Jésus-Christ révélateur, c’est bien ; c’est, avons-nous dit, notre premier devoir envers notre Christ Roi. Mais ce n’est pas assez de croire à sa divine vérité et de l’accepter tout entière, nous devons combattre pour la défendre, nous devons avec un indomptable courage repousser les ténèbres de l’erreur, que Satan avec tous ses suppôts travaille à répandre dans le royaume de la lumière ; et mettre, autant que nous le pouvons, au service et à la défense de la vérité, un dévouement effectif. Ce dévouement, c’est le dévouement à Jésus-Christ qui a dit de lui-même : « Je suis la vérité. » Combattre pour les vérités qu’attaque l’antichristianisme, c’est combattre pour Jésus-Christ.

Il faut porter, dans cette lutte pour la défense de la vérité, un dévouement d’autant plus généreux et un courage d’autant plus intrépide qu’une immense conspiration, depuis plus d’un siècle déjà, est organisée et armée contre elle, dans notre France chrétienne surtout.

Qui, parmi vous, ne peut entendre, dans la grande rumeur du siècle, le bruit sourd ou éclatant de cette satanique conspiration de l’erreur contre la vérité chrétienne : ce qui revient à dire, contre notre Christ-Vérité lui-même ? Eh ! qui donc parmi vous pourrait l’ignorer tout à fait, cette guerre à outrance faite, au grand jour, à la vérité chrétienne par la presse antichrétienne ? Guerre vaste et retentissante où le verbe humain sous toutes les formes et de toutes les manières s’attaque au Verbe divin, et avec quels mensonges, quelles calomnies, quels sarcasmes, quels blasphèmes ! Combien d’hommes aujourd’hui, marqués encore au front du signe de leur baptême, consacrent leur vie et leurs talents à ce travail abominable : jour par jour, et même heure par heure, faisant métier et profit de jeter l’injure, le mépris et l’outrage au Christ-Vérité, et à tout ce qui par la parole, l’enseignement et la prédication le représente dans l’humanité !

Combien de mensonges et de calomnies, d’insultes et de blasphèmes, en un seul jour, et rien que sur la terre de France, s’impriment, se publient, se vendent et sont jetés par cent mille exemplaires aux curiosités qui attendent... Il est horrible d’y penser, plus horrible encore il serait de le dire. Pour décrire, dans son ensemble et dans ses détails, cette guerre acharnée et vraiment démoniaque que la presse antichrétienne fait, sous nos yeux, à notre Christ-Vérité, il faudrait plus qu’un discours. A quoi bon d’ailleurs vous la peindre et vous la décrire, cette presse monstrueuse, alors que le spectacle en est partout, et le retentissement universel ?

Quoi ! nous chrétiens, nous assisterions sans en être émus, et les bras croisés, à cette lutte immense, où le christianisme doctrinal tout entier est en jeu et où tous les coups frappés par l’erreur antichrétienne sont dirigés contre notre Christ-Vérité ? Et nous n’aurions pas un dévouement à mettre, sous ce rapport, au service de notre Roi ? Nous n’aurions pas, pour le défendre, une parole à opposer à la parole, un journal à opposer au journal, un livre à opposer au livre ?

Arrière cette attitude lâche, arrière cette molle insouciance, qui assisterait, sans y prendre part, à ce combat décisif de l’erreur contre la vérité, du prince des ténèbres contre le Roi de la lumière !

Mais là ne se borne pas l’attaque de l’antichristianisme satanique contre le Christ et le christianisme : tandis qu’il attaque par la puissance combinée de toutes les erreurs le Christ-Vérité, il attaque par toutes les puissances de la Révolution le Christ-Autorité.

L’essence de la Révolution, comme nous le disions il y a deux jours, consiste dans l’opposition et la guerre que fait Satan au Verbe-Autorité.

Oui, là gît le fond intime de ce qui s’appelle aujourd’hui la Révolution ; non pas, remarquez-le bien, cette révolution ou cette autre révolution politique, religieuse ou sociale, mais la Révolution, c’est-à-dire l’antagonisme absolu et irréconciliable à l’autorité, et très spécialement à l’autorité divine personnifiée dans le Verbe incarné : c’est la quintessence de l’esprit ou du génie révolutionnaire.

Allez partout où se trouve un révolutionnaire dans le vrai sens de ce mot, creusez jusqu’au fond de son âme, vous y trouverez une révolte plus ou moins frémissante contre toute autorité, et en particulier contre l’autorité de notre Christ Roi. L’esprit révolutionnaire résume en lui toutes les oppositions signalées, il y a deux jours, au règne de Jésus-Christ. Son opposition est judaïque, elle dit comme les Juifs dans la Passion : « Nous ne voulons pas qu’il règne sur nous. » Son opposition est césarienne. S’il dépendait de lui, il soumettrait Jésus-Christ et tout ce qui le représente, aux despotismes de tous les Etats. Son opposition est hérétique et schismatique, car la Révolution est l’universalité du schisme et de l’hérésie. Son opposition est rationaliste, car la Révolution est la plus complète expression et le dernier mot du rationalisme ; rationalisme le plus radical et, comme celui de Voltaire, essentiellement antichrétien, car révolution et antichristianisme ne sont qu’une même chose sous deux noms différents. Impossible de se méprendre désormais sur ce point : tous nos révolutionnaires sont tous antichrétiens, donc ennemis acharnés de l’autorité de Jésus-Christ ; et pour défendre efficacement l’autorité de notre Christ-Roi, il faut combattre la Révolution.

Et voilà, à l’heure qu’il est surtout, le second service que Jésus-Christ réclame de notre dévouement : combattre la Révolution par la défense courageuse de toute légitime autorité, et spécialement de l’autorité personnelle de Notre-Seigneur et de ses représentants officiels sur la terre, c’est-à-dire des pasteurs, des évêques, des pontifes.

Eh ! qui donc, ici encore, voué par son baptême au service de notre Christ-Roi, consentirait à se renfermer dans une neutralité honteuse, alors que de tous côtés l’ennemi s’attaque à l’autorité souveraine de son divin Maître ? Qui n’aura, au contraire, la généreuse et vaillante ambition de travailler à lui élever, s’il le peut, dans les âmes un trône d’où son autorité commande à toutes, et où il reçoive avec l’obéissance le respect et les hommages de toute la terre ?

Mais comment, demanderez-vous peut-être, défendre la divine autorité de Jésus-Christ contre les agressions de l’antichristianisme et de la Révolution ? D’abord en faisant pour son propre compte, vis-à-vis de cette autorité, le contraire de ce que font l’antichristianisme et la Révolution : à l’insulte opposer l’hommage, à l’outrage la louange, au mépris le respect et à la révolte l’obéissance.

Et puis, partout, dans l’école, dans la famille, dans l’atelier, dans le forum, faire à cette suprême autorité la place qui lui appartient, c’est-à-dire la première. Bref, à force de dévouement et de sacrifice, en tout et partout, mettre sa parole, son action et toute sa puissance, au service de cette divine et royale autorité : tel est le second devoir du chrétien soldat devant son Christ-Roi.

Nous avons enfin, comme soldats de notre Roi et Empereur, à combattre par un dévouement effectif l’agression de la haine antichrétienne contre le Christ-Amour.

C’est qu’en effet l’antichristianisme déchaîne contre le Christ et les chrétiens cette infernale puissance qu’on appelle la haine, et quelle haine ! Haine exceptionnelle, haine réservée, haine comme il n’y en a qu’en enfer !

Qui ne sait ce que c’est que la haine sur la terre, alors même quelle n’a qu’un objectif purement humain ? Qui n’a vu parfois le rouge de ses yeux et les frémissements de ses lèvres ? Qui n’a entendu la férocité de ses cris et l’horreur de ses menaces ? Elle est méchante, la haine, elle dénigre, elle déchire, elle calomnie.

Tout le mal qu’elle sait, elle le publie, elle l’exagère, elle le multiplie, et quand le mal n’existe pas, elle l’invente, afin de mieux haïr ; la haine, elle est ingrate, elle est vindicative, elle est homicide ; faire le mal, tuer même, c’est sa joie ; et sa suprême joie, c’est qu’on n’ignore pas le mal qu’elle a voulu. Ainsi le poète fait dire à une haine en fureur : Va, qu’il meure,

Et qu’il sache en mourant que c’est moi qui le tue.

Et un autre poète fait dire à une haine plus furieuse encore :
Voir le dernier Romain à son dernier soupir, Moi seule en être cause et mourir de plaisir.

Mais, Messieurs, remarquez-le bien, rien ne ressemble dans un cœur humain à la haine qui a pour objet le divin, c’est-à-dire Dieu et son Christ, et tout ce qui se rattache au Christ et à Dieu ; cette haine a un caractère à part : à la lettre, c’est la haine satanique.

Déjà de son temps, de Maistre, témoin des haines que portait à notre divine religion l’antichristianisme révolutionnaire, s’écriait : « Il n’y a que la vérité, la vérité divine, qui puisse être haïe de la sorte. » Que dirait aujourd’hui ce grand chrétien, s’il entendait le cri de rage que la haine pousse contre notre Christ-Roi et contre tout ce qui le suit, le sert et le défend ? Haine du prêtre, haine de l’évêque, haine du pontife, haine de l’Eglise, haine de ses temples et de ses cérémonies, haine enfin de tout ce qui exalte et glorifie Jésus-Christ, haine sortie de l’enfer pour combattre et repousser sur la terre ce Christ Sauveur, dont l’amour est le fond du christianisme dans ce monde, comme il est dans l’autre le fond du ciel et du paradis.

Vous me demandez où est cette haine, et sous quelles formes se produit cette haine... Qui a vu, qui a rencontré cette haine ? Qui a constaté son passage, senti son souffle, et entendu ses menaces ?

Mais, Messieurs, vous êtes de votre temps, je pense. Eh bien ! dites-moi, cette haine, est-ce que vous ne la sentez pas frémir dans notre atmosphère sociale ? Et ces livres, ces journaux, ces revues, ces discours qui, à la lettre, suent la haine, est-ce que vous les ignorez tout à fait ? Ah ! cette haine innomée, monstrueuse, moi je la sens comme l’air que je respire. Et de toutes les misères de ce malheureux temps, c’est la plus triste et la plus lamentable.

Et maintenant, cette haine de Satan, qui partout poursuit Jésus-Christ dans l’humanité, comment la combattre et la vaincre ? Je réponds : par un dévouement sans borne, à notre Christ-Roi, et par un redoublement d’amour envers ce Christ qui est amour. Oui, plus notre divin Maître est haï, plus nous avons le devoir de l’aimer ; plus il est en butte aux persécutions et aux fureurs de la haine, plus nous devons lui donner par notre dévouement l’éclatant témoignage de l’amour, et, s’il le faut, pour le complément de son triomphe, pousser ce dévouement jusqu’à la totale immolation de nous-mêmes, c’est-à-dire jusqu’au sacrifice de la vie.

Ah ! ce dévouement jusqu’à la mort, dès le commencement le Christ-Roi l’a trouvé dans ses fidèles et intrépides soldats. Des millions et des millions de martyrs lui ont donné ce sanglant témoignage de l’amour.

Tel est le prodigieux passage de Jésus-Christ à travers les siècles chrétiens : il marche comme entre deux haies, entre deux humanités, l’une à droite, l’autre à gauche, lui entre les deux : à gauche tous ceux qui le haïssent, à droite tous ceux qui l’aiment, à gauche tous ceux qui le maudissent, à droite tous ceux qui le bénissent, à gauche tous ceux qui l’insultent, à droite tous ceux qui l’exaltent, à gauche tous ceux qui le persécutent, à droite tous ceux qui pour lui souffrent persécution, à gauche, enfin, ceux qui tuent ses disciples, à droite ceux qui meurent pour la glorification du Maître.

Ainsi Jésus-Christ, depuis dix-neuf siècles, marche dans l’humanité, ayant à sa gauche toutes les haines et à sa droite tous les amours, à sa gauche toutes les persécutions, à sa droite tous les dévouements ; et tous les dévouements ont vaincu toutes les persécutions, et tous les amours, plus ou moins, ont vaincu toutes les haines. Et ce Roi divin toujours haï et toujours aimé, toujours attaqué et toujours défendu, poursuit à travers les siècles, et jusqu’à la fin du monde, une marche triomphale telle qu’on n’en a jamais vu sur la terre, en attendant son éternel triomphe dans le ciel, alors que la haine ne sera plus que dans l’enfer, et que dans le ciel il n’y aura plus que l’amour...

Mais, même avant l’avènement de cet éternel triomphe de notre Christ-Roi, à côté de la conspiration de toutes les haines et de toutes les fureurs qui frémissent autour de lui, il faut qu’il y ait pour le défendre, la conspiration de tous les amours et de tous les dévouements rangés autour de lui, et tout prêts, au besoin, à mourir pour lui.

Telles sont, Messieurs, les trois puissances infernales que l’antichristianisme, c’est-à-dire Satan dans l’humanité, déchaîne contre Jésus-Christ et le christianisme. Puissance de l’erreur, de la Révolution, de la haine ; puissance de l’erreur s’attaquant au Christ Vérité ; puissance de la Révolution, s’attaquant au Christ-Autorité ; puissance de la haine, s’attaquant au Christ-Amour.

Ces trois puissances, partout et toujours, comme par un instinct inné conspirent ensemble, et ensemble marchent à l’attaque de notre Christ-Roi. Et vous pouvez voir les mêmes hommes ou des groupes d’hommes incarnant à la fois ces trois infernales puissances, pervertis dans leur intelligence par l’extrême erreur, pervertis dans leur volonté par leur révolte contre l’autorité, et pervertis dans leur cœur par le virus de la haine. Ils sont non seulement une fois, mais trois fois, animés contre le Christ et contre tous les saints.

Et voilà pourquoi notre dévouement militaire doit opposer à cette triple agression la triple résistance de sa divine vérité, de sa divine souveraineté et de son divin amour. Oui, Messieurs, il faut qu’armé tout à la fois du glaive de cette divine vérité, du bouclier de cette divine autorité, et de la force de ce divin amour, votre dévouement lutte et lutte encore contre cette triple agression de l’antichristianisme.

Ah ! je le sais, et nous l’avons démontré, toujours, et dans tous les temps, les vrais chrétiens, pour défendre leur chef, ont dû se couvrir de cette triple armure, et toujours ont dû la porter sur ses pas.

Mais il est des heures où cette nécessité, plus que jamais, s’impose aux chrétiens. Et, si je ne me trompe, le temps sonne pour nous l’une de ces heures, heure solennelle où s’engage entre l’erreur et la vérité, entre la révolte et l’autorité, entre la haine et l’amour, la lutte la plus vaste, la plus profonde et la plus ardente que l’on ait jamais vue.

Oui, nous essayerions en vain de nous le dissimuler, la Providence nous ramène une de ces heures décisives, où le radicalisme de l’erreur se pose en face du radicalisme de la vérité, où l’extrême révolte, sous le nom d’anarchie, s’insurge contre la suprême autorité, et où le paroxysme de la haine se dresse devant la plus grande manifestation de l’amour, incarné dans notre Christ-Roi : heure fatidique où, sous ce triple rapport, l’antichristianisme personnifié dans Satan est plus que jamais, et dans des proportions plus grandes que jamais, aux prises avec le christianisme personnifié en Jésus-Christ.

Ah ! Messieurs, croyez-le bien, la lutte qui s’engage au sein de notre société moderne n’est pas une lutte superficielle, une lutte d’un parti contre un parti, d’une opinion contre une opinion. Ce n’est pas une lutte politique, ce n’est pas même une lutte purement sociale. La lutte est plus profonde, c’est la lutte religieuse, c’est la guerre non plus latente, organisée dans les ténèbres, c’est la lutte publique, se produisant dans l’éclat de la publicité. Que dirai-je ? C’est la lutte fondamentale, c’est la lutte universelle, c’est la lutte centrale, la lutte où l’ennemi vise surtout au centre et au sommet du christianisme, c’est-à-dire à la personne même de Jésus-Christ, Notre-Seigneur !

Aussi, en sentant le glaive de l’ennemi porter jusque-là sa pointe sacrilège, nous avons tous tressailli, et nous nous sommes écriés : Chrétiens, debout, comme s’écriait saint Paul, State ergo ; que chacun prenne son arme et qu’il marche au combat. Dans un tel moment et dans une telle situation, la neutralité c’est la lâcheté, et s’abstenir, à la lettre, c’est trahir.

N’eussions-nous à porter dans la lutte que la protestation de notre foi outragée et le cri de notre cœur blessé, allons quand même, et, à notre manière, même sans autres armes, répondre à l’appel de notre Christ-Roi, et lui donner le témoignage de notre inébranlable fidélité et de notre absolu dévouement.

Ah ! je crois le voir d’ici, notre divin capitaine, nous conviant tous à la lutte et nous appelant à la défense de sa cause, à la propagation de son règne et à la glorification de sa personne. Jamais, entre lui et l’adversaire Satan, la lutte ne fut plus vaste, plus profonde et plus solennelle. A cette heure même, notre Christ nous fait signe, car il se prépare à prendre du monde des âmes une possession nouvelle, et par la voix même des événements qui lui ouvrent la route et préparent son triomphe, il nous crie : Que tous ceux qui sont pour moi viennent avec moi. Que tous ceux qui portent mon signe lèvent le front, et que tous ceux qui me reconnaissent pour leur chef, marchent après moi. Voués que vous êtes à mon service et à l’extension de mon règne, suivez-moi, même à travers tous les dangers, tous les travaux, toutes les fatigues, toutes les souffrances, tous les sacrifices. Et pour combattre et vaincre avec moi, prenez les armes que je porte moi-même, armes de l’esprit pour vaincre l’empire de la chair, armes de Dieu pour vaincre l’empire de Satan.

Mais pour assurer mon triomphe et le vôtre, il faut que votre dévouement soit grand comme les combats auxquels je vous convie ; et que vous puisiez dans mon amour la source divine de votre dévouement.

CONCLUSION

Voilà, Messieurs, les deux camps qui divisent l’humanité vivante et, dans ces deux camps ou armées en présence, voilà les deux drapeaux : d’un côté le drapeau de Jésus-Christ, la croix, ce drapeau rouge du sang divin versé par le sacrifice d’un Dieu ; de l’autre, le drapeau de Satan, drapeau rouge aussi, mais rouge du sang humain versé par l’égoïsme de l’homme.

Oui, les ennemis du Christ et de la société ont levé leurs étendards devant l’étendard du christianisme et devant celui de la société elle-même. Ici, comme je le disais naguère, surtout ici les milieux sont impossibles et les conciliations imaginaires ! Entre ces deux drapeaux, lequel des deux voulez-vous choisir ?

Ah ! dirais-je ici aux indifférents, aux timides, aux hommes qui ne veulent d’autre drapeau que celui de l’effacement, et d’autre attitude que l’attitude des bras croisés : Allons, sortez, sortez enfin de votre indifférence et de votre sommeil, et comme disait un orateur de la Rome antique, dans une situation analogue : Expergiscimini tandem ; réveillez-vous donc enfin. Quoi ! Catilina est aux portes de Rome, et vous hésitez, et vous délibérez, Catilina in faucibus urget, et deliberatis ! Mais, qu’est-ce que l’agression de Catilina contre la Rome antique, devant l’agression de Satan contre le christianisme et la Rome nouvelle ?

Aussi, tous vous direz, dans une résolution suprême : Ah ! pour nous chrétiens et catholiques, l’hésitation ne peut pas être. Le drapeau de Satan se lève devant le drapeau de Jésus-Christ ! Mon choix est fait, je prends le drapeau et l’armure de mon divin Roi, et je marche à la défense du règne de Jésus-Christ et à la destruction du règne de Satan.

Pour servir efficacement dans le combat la cause de notre Christ-Vérité, de notre Christ-Autorité, de notre Christ-Amour, et pour vaincre sûrement avec Satan toutes les puissances de l’erreur, de la Révolution et de la haine, que l’antichristianisme déchaîne contre nous, armons-nous de l’amour de Jésus-Christ, notre capitaine et notre Roi. Là, dans ce cœur royal et divin, nous trouverons la puissance de tout supporter, de tout braver, de tout vaincre, et de suffire à tout. Ah ! c’est que l’amour, même quand il n’est qu’humain, triomphe de tout, omnia vincit amor ! Que ne fera pas, dès lors, cet amour de Jésus-Christ, cet amour plus fort que la mort, cet amour qui a tout à la fois la plus grande force de l’humain et la toute-puissance du divin ?

Donc, ouvrons-lui tout d’abord notre propre cœur, pour qu’il y règne et commande à tout. Et puis, armés pour le combat de son incomparable force, ouvrons-lui dans tous les cœurs un chemin triomphal, et faisons qu’il y règne, pour leur bonheur et pour sa gloire.


Amen.

pp.160-216

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